Article publié le 07/05/2025

Bail code civil : pourquoi ce contrat est illégal pour une résidence principale

 

Un abus qui se répand sur fond de crise du logement

Dans les annonces de location, une mention revient de plus en plus souvent : « bail code civil uniquement ». Derrière cette formule technique se cache une pratique illégale lorsque le logement est destiné à être votre résidence principale.

En pleine tension locative dans les grandes villes françaises, certains propriétaires tentent de contourner la loi du 6 juillet 1989, qui protège les locataires. Résultat ? Des baux précaires, sans encadrement, ni sécurité. Décryptage.

 

Le bail code civil : un contrat légal… dans un cadre très précis

Le bail régi par le Code civil (articles 1713 à 1778) est un contrat de droit commun, prévu pour :

  • les résidences secondaires (occupées moins de 8 mois/an),
  • les locations saisonnières ou meublés touristiques,
  • les locations conclues avec des personnes morales,
  • les logements de fonction.

En dehors de ces cas, il ne peut en aucun cas être utilisé pour une résidence principale. C’est là que le bât blesse.

Attention, même dans la liste des baux visés ci-dessus, dès qu’il y a Résidence Principale, c’est bien la loi de 1989 qui doit s’appliquer.

 

Résidence principale : une protection renforcée par la loi de 1989

La loi n°89-462 du 6 juillet 1989, d’ordre public, protège tous les locataires dont le logement constitue leur résidence principale.

D’après l’article 2 de cette loi, la résidence principale est définie comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf exceptions (profession, santé…).

Tout contrat qui y déroge est illégal.

La loi impose notamment :

  • un bail écrit avec mentions obligatoires (article 3),
  • une durée minimale de 3 ans (ou 1 an en meublé),
  • des règles de congé strictes pour le propriétaire et pour le locataire (article 15)
  • un encadrement du loyer dans les zones tendues (article 17-2),
  • un dépôt de garantie limité à 1 mois en location vide (article 22).

Source : Légifrance – Loi du 6 juillet 1989

 

Pourquoi les bailleurs utilisent-ils ce stratagème ?

Le bail code civil offre une liberté contractuelle totale :

  • durée et congé définis librement,
  • pas d’encadrement des loyers,
  • dépôt de garantie illimité,
  • aucune obligation de justification pour résilier,
  • et absence de reconduction automatique.

Autrement dit, tout ce qui est interdit par la loi de 1989 devient possible via ce bail… à condition qu’il soit utilisé dans le bon cadre.

En pratique, certains bailleurs l’utilisent pour imposer des conditions abusives, au mépris du droit locatif.

À nuancer : un bail code civil peut aussi prévoir des règles précises sur la durée ou le préavis.

Contrairement aux baux soumis à la loi de 1989, les baux régis par le Code civil permettent une grande liberté dans la rédaction des clauses, notamment celles concernant la durée du contrat, les délais de préavis ou les modalités de congé.

Cette souplesse peut sembler avantageuse, mais elle ouvre la porte à des conditions déséquilibrées si elles ne sont pas lues, comprises ou négociées correctement.

Pour les professionnels de la relocation : soyez particulièrement vigilants à la lecture de ces clauses. N’hésitez pas à négocier le contenu avec le bailleur ou à faire appel à un juriste si nécessaire. Il en va de la sécurité contractuelle du client/locataire que vous accompagnez.

 

Ce que dit la jurisprudence et la doctrine juridique

D’après les formations dispensées aux professionnels du droit immobilier (notamment par Me Mariotte), le contournement de la loi de 1989 par le biais d’un bail code civil est systématiquement sanctionné :

  • Requalification possible en bail soumis à la loi de 1989 (mécanisme du « réputé non écrit »). Elle doit alors être demandée au juge. Par ailleurs, toute clause que la loi de 1989 interdit serait réputée non écrite et donc inapplicable en cas de contentieux.
  • Possibilité de remboursement des sommes perçues indûment (honoraires, loyers abusifs…).
  • Dommages et intérêts possibles en cas de préjudice.

 

Les conséquences concrètes pour les locataires piégés

Un locataire ayant signé un bail code civil illégal s’expose à :

  • un congé sans préavis,
  • une expulsion rapide, sans protection,
  • une absence de recours amiable, préalable obligatoire, car le bail n’est pas conciliable devant la commission départementale, 
  • des hausses de loyer non encadrées,
  • un dépôt de garantie parfois abusif.

 

Comment se défendre face à un bail illégal ?

Voici les bons réflexes :

  1. Refusez de signer un bail code civil si vous cherchez une résidence principale.
  2. Vérifiez le contrat : s’il n’est pas conforme à la loi de 1989, il est invalide pour ce type de location.
  3. Écrivez à votre bailleur pour demander la requalification du bail.
  4. Saisissez le tribunal judiciaire (après signature), en vous appuyant sur la jurisprudence et l’article 2 de la loi de 1989.
  5. Contactez une association de locataires (CLCV, ADIL) ou un avocat spécialisé.

 

Conclusion : ne laissez pas passer un bail déguisé

Accepter un bail code civil pour une résidence principale, c’est renoncer à vos droits les plus fondamentaux en tant que locataire. La loi est très claire : ce type de bail n’est autorisé que pour les logements non principaux.

Dans un contexte de pénurie de logements, les abus se multiplient. Mais la jurisprudence est du côté du locataire. Alors, soyez informé.e, vigilant.e et prêt.e à défendre vos droits.

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