Article publié le 09/08/2024
La mobilité néfaste pour les enfants ? Mais qui en veut à la mobilité ?
Avec l’été, fleurissent, dans les magazines, des articles sur les déménagements et ses aléas. Cette année, une nouvelle tendance a émergé. Elle s’inquiète des conséquences de la mobilité sur la santé mentale des enfants. Qu’en est-il vraiment ?
La recherche en psychiatrie, ces dernières décennies, se penche sur « les expériences négatives de l’enfance”. Maltraitance, négligence, violences, dissolution de la cellule familiale et pauvreté, comme facteurs de risque sur la santé mentale des enfants. Et s’il y en avait d’autres tout aussi dommageables, s’interroge le New York Times.
Nous le savons tous, le déménagement pour cause professionnelle est une source majeure de stress pour des adultes confrontés à un défi logistique, administratif en plus du challenge professionnel. Soit. Le métier de la relocation a précisément été créé pour réduire la durée, les effets et les conséquences de ce stress et faciliter l’intégration dans un nouvel environnement. Pour tous les experts, l’intégration réussie à court terme est un marqueur fiable du succès d’une mission. Or, cette année, de nombreux articles traitent de cette problématique sous l’angle du possible traumatisme que cela peut infliger à l’enfant et comment le prévenir, allant jusqu’à rendre la mobilité un facteur de risque avéré de dépression. Après le confinement et le télétravail, une nouvelle tendance arrive : la mobilité serait néfaste pour les enfants.
Tout est parti d’une étude universitaire danoise qui a suivi un million de ses habitants nés entre 1983 et 2003. Ses conclusions sorties début juillet 2024 ont secoué le milieu de la psychologie et de la recherche. Les médias nord-américains se sont emparés du sujet jusqu’à titrer : « Le déménagement dans l’enfance contribue à la dépression davantage que la pauvreté ».
Que disait donc cette étude ? Qu’une augmentation significative du risque de dépression chez les adultes ayant déménagé fréquemment dans leur enfance est observée sur la cohorte étudiée. Soit.
Rappelons que l’étude portait sur les causes de la dépression et qu’il est rappelé qu’elle est bien sûr multifactorielle. La découverte a été que les déménagements successifs, surtout à l’âge de la puberté, peuvent affecter la santé du jeune adulte. Donc, que les pauvres qui déménagent beaucoup de quartiers pauvres en quartiers pauvres sont plus enclins à la dépression une fois adulte. Mais l’étude a également découvert que les gens venant de quartiers pauvres avaient plus tendance à la dépression sans déménager que les résidents des quartiers privilégiés.
Plus surprenant encore, l’étude annonce dans ses conclusions qu’il vaut mieux grandir dans un environnement sociologiquement stable et riche plutôt que pauvre.
Les articles américains, puis repris en France, échafaudent donc des conclusions totalement contraires à celle de l’étude pour vendre une nouvelle peur : le déménagement comme risque sur la santé mentale des enfants.
Des psychologues se sont empressés de battre en brèche cette vision faussée de la mobilité en rappelant que les enfants qui ont changé d’environnement (dans un contexte psychosociologique standard) développent à l’âge adulte trois compétences clés très recherchées : l’adaptabilité, la résilience et l’ouverture d’esprit.
L’étude portait par ailleurs sur une cohorte grandie avant la 3G. Or l’arrivée des réseaux sociaux et de la visio à bas prix a depuis entièrement rebattu les cartes de la sociabilité en ligne.
Sachons donc rappeler que s’il ne faut pas négliger les risques liés à l’adaptation, la mobilité est surtout pour le jeune en bonne santé mentale une merveilleuse opportunité. Et que les professionnels de la relocation peuvent en témoigner.